Face aux murs de la formation

Comment lever les obstacles qui se dressent entre les réfugié-e-s et l’accès à la formation? Questions à Réjane Fauser, éducatrice dans un foyer pour mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA) à Lausanne, qui participe à l’organisation de la journée du 7 septembre «Réfugié-e-s – éducation, intégration et émancipation».

Photo Valdemar Verissimo

Le SSP et Solidarité sans frontières organisent une journée consacrée aux réfugié-e-s face au système de formation. Avec quel objectif?
Réjane Fauser – L’accès à la formation a une importance primordiale pour les réfugié-e-s. C’est lui qui détermine, en bonne partie, la possibilité qu’ils et elles auront – ou non – de travailler et construire leur vie ici. Le travail joue aussi un rôle central en termes d’estime de soi et de relations sociales.
Or de nombreuses barrières se dressent entre les exilé-e-s et le système de formation.
Il est donc important de dresser un état des lieux. Cela dans un contexte en changement, marqué notamment par l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l’asile et de l’Agenda Intégration Suisse.
La formation est gérée par les cantons. Or, on connaît peu les expériences, les acquis ou les difficultés des cantons voisins. Nous voulons aussi dépasser ce cloisonnement.
Enfin, il s’agira de donner un débouché concret à nos échanges, sous la forme de revendications et d’objectifs communs.

Quels sont les principaux enjeux en la matière?
Les réalités changent d’un canton à l’autre, et selon la situation des exilé-e-s. Je m’exprime donc à partir de ma réalité de terrain.
Il y a d’abord des difficultés liées aux offres et aux possibilités d’accès à des formations, à l’école obligatoire (délais d’attente, cours limités dans le temps, manque de place dans les formations régulières et professionnalisantes).
D’autres facteurs s’y ajoutent.
Il y a la précarité et l’incertitude liées à la demande d’asile et aux permis provisoires, qui peuvent durer des années, rendant difficile toute projection dans l’avenir.
Pour celles et ceux qui reçoivent une réponse négative, le choc est profond. Certain-e-s ont la force de continuer leur apprentissage ou leur cursus scolaire – ce qui est parfois possible s’ils sont mineur-e-s. D’autres vivent une dégringolade sociale.
À leur arrivée en Suisse, les jeunes réfugié-e-s sont confronté-e-s à une culture et un système extrêmement différents. Pour certain-e-s, la notion de choisir son métier est totalement nouvelle; d’autres ne comprennent pas d’emblée pourquoi il est important de faire un apprentissage qui dure plusieurs années, plutôt que de commencer tout de suite à travailler.
L’environnement joue aussi un rôle important dans le déroulement d’une formation: les conditions de logement (les foyers, les déménagements), la possibilité d’étudier dans un endroit tranquille, l’aide pour les devoirs, etc.
La réussite de la scolarité ou d’une formation post-obligatoire implique un encadrement et un accompagnement de qualité pour que les personnes vivent dans la sécurité et la stabilité. Or dans la pratique, ceux-ci restent souvent insuffisants.
Les lacunes sont plus marquées pour les jeunes qui arrivent à la majorité. Pour ceux qui arrivent mineur-e-s, la sortie des foyers MNA correspond souvent à la fin du cursus obligatoire et, dans certains cas, au début d’un apprentissage. Lors de cette transition, les risques de ruptures sont souvent grands.

Comment améliorer la situation?
L’accès à l’école obligatoire et la formation sont des droits fondamentaux, qui ne devraient jamais passer à la trappe. Cette responsabilité doit être assumée par l’Etat, qui doit garantir aussi les cours de langue et de mise à niveau nécessaires, sans se défausser sur des bénévoles. L’accès à l’enseignement obligatoire doit, par exemple, être garanti dès l’arrivée dans les centres fédéraux.
Les conditions de vie, de logement et d’accompagnement de ces jeunes doivent aussi être repensées.
Le passage à la majorité, avec le départ des centres pour mineur-e-s, est particulièrement délicat. Or la tranche d’âge des 18 – 25 ans est trop souvent abandonnée à son sort. Il faut améliorer leur encadrement avec des accompagnements adaptés.

Qu’en est-il des jeunes à l’aide d’urgence?
Les mineur-e-s qui reçoivent une décision d’asile négative conservent, en théorie, les mêmes droits que les autres enfants. Ils restent dans les mêmes foyers et peuvent continuer l’école. Mais dans la pratique, c’est plus compliqué. Ils et elles subissent une grande perte de motivation et de sens, qui a souvent un impact sur leur disponibilité à l’apprentissage.
Pour les 18 ans et plus qui se retrouvent à l’aide d’urgence, c’est pire. La précarité dure des années, sans possibilités d’évolution. Je connais, par exemple, un jeune qui est en deuxième année d’apprentissage; il a trouvé une colocation, parle bien français, tout se passait bien. Or, il vient de recevoir une décision d’asile négative – alors qu’il ne peut pas retourner dans son pays d’origine. Si son recours n’est pas accepté, ce jeune va rester ici des années sans droits, sans argent. Cette politique crée des bombes sociales à retardement.
Un appel est lancé pour demander aux autorités fédérales et cantonales de permettre aux jeunes, même débouté-e-s de l’asile, de mener à terme leur formation. Pour signer: www.unapprentissage-unavenir.ch


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