Une grève climatique et sociale

Le 27 septembre, les jeunes feront de nouveau grève pour la planète. Le jour suivant, une manifestation nationale se tiendra à Berne. Questions à Joachim Légeret, militant du mouvement grève du climat.

photo Eric Roset

Où en est le mouvement de grève pour le climat, près d’une année après ses débuts?

Joachim Légeret – Nous avons réussi à construire un mouvement large, aux niveaux local et national. Notre mouvement est plus structuré qu’à ses débuts: nous avons pris l’habitude de discuter, débattre et décider ensemble.

Grâce à nos mobilisations, nous avons réussi à imposer le thème du climat au cœur du débat politique, ce qui est un pas en avant important.

Après la pause estivale, il s’agit de repartir à l’offensive. C’est l’objectif de la journée de grève dans les écoles et lieux de formation, le 27 septembre. Dans ce but, nous menons de nombreuses assemblées de préparation.

Qu’en est-il des réponses politiques à votre mouvement?

Sous notre pression, quelques villes et cantons ont décrété l’urgence climatique. Mais ces annonces restent très symboliques.

Nos principes de justice climatique impliquent que les pays les plus développés réduisent plus rapidement leurs émissions. Avec la grève du climat, nous visons la neutralité carbone en Suisse pour 2030. Cela requiert des politiques drastiques, dès 2020. Récemment annoncé par le Conseil fédéral, l’objectif « zéro carbone » pour 2050, peut sembler rassurant. Il reste hélas très insuffisant.

D’autant plus que les émissions ont continué de croître en 2018. Selon le consensus scientifique, la trajectoire actuelle nous mène à la catastrophe: effondrement de la biodiversité, hausse du niveau des océans, déplacements massifs de population… En ne prenant pas la mesure de la gravité du problème, les autorités politiques jouent à pile ou face avec notre avenir.

Quelles sont vos revendications aujourd’hui?

Notre mouvement a démarré avec trois revendications principales: que les autorités décrètent l’urgence climatique; qu’elles visent la neutralité carbone en 2030 ; et qu’elles appliquent la justice climatique – ce ne sont pas les pauvres qui doivent payer la transition vers une société écologique. Nous avons une quatrième clause: si nos revendications ne peuvent être exaucées dans le cadre du système existant, alors il faudra changer le système lui-même.

Ces revendications gardent leur actualité. Nous y avons récemment ajouté des mesures concernant la place financière suisse, qui doit cesser d’investir dans les énergies fossiles. Nous travaillons sur un plan d’action climatique national, inspiré de celui réalisé dans le canton de Vaud, très abouti.

Les groupes régionaux prennent souvent des initiatives qui tardent un peu plus à atteindre le niveau national. Fin février, le groupe du Jura s’est doté d’un cahier de revendications, parmi lesquelles on trouve: le développement des transports publics; l’isolation du bâti; le maintien ou la réouverture de services de proximité; des investissements massifs dans les renouvelables; etc. Le tout financé, entre autres, par un impôt progressif qui touche également le capital et les transactions financières.

Vous appelez à une extension de la grève aux lieux de travail…

Notre mouvement doit s’adresser à l’ensemble de la population.

Notre objectif est d’organiser en 2020 une journée de grève qui permette de bloquer des secteurs de l’économie et mette l’Etat sous pression. La date agendée est le 15 mai.

Nous pensons nous inspirer de la grève féministe du 14 juin. Nous sommes en contact avec ses organisatrices et espérons bénéficier de leur expérience, notamment en ce qui concerne la création de collectifs sur les lieux de travail.

Nous avons aussi commencé à tisser un lien prometteur avec certains milieux paysans, au travers de la manif des campagnes du 31 août. À Saignelégier, par exemple, nous avons réussi à impliquer un noyau de paysan-ne-s très conscient-e-s de la problématique écologique. Ces personnes prévoient de créer une plateforme paysanne pour le climat, autonome mais en coordination avec notre mouvement. C’est ce genre d’initiatives que nous voulons impulser afin que s’organise, dans les villes comme dans les campagnes, une transition écologique réelle et socialement juste.

Qu’attendez-vous des syndicats?

Nous espérons convaincre les centrales syndicales d’appeler à la mobilisation pour le 15 mai. Nous espérons aussi qu’elles pourront nous faciliter l’accès à certains lieux de travail et participer à la construction d’une dynamique collective. Nous avons déjà pris contact avec les syndicats pour avancer dans ce sens, et allons développer ce dialogue.

Pour que la grève gagne les lieux de travail, il faut des revendications qui lient écologie, emplois et conditions de travail. Les syndicats ont ici un rôle important à jouer.

(Interview parue dans notre journal Services Publics, n°15, 20 septembre 2019)


Grève pour le climat

Vendredi 27 septembre

Toute la Suisse

https://climatestrike.ch/fr/events/

Climat de changement

Manifestation nationale

Samedi 28 septembre

13 h 30, Berne, Schützenmatte

www.klimademo.ch/?lang=fr