Pour un service public de l’accueil de l’enfance!

Lancement de l’initiative avec Katharina Prelicz-Huber, présidente du SSP.

Conférence de presse du 8 mars 2022 - Allocution de Katharina Prelicz-Huber, présidente nationale du SSP, membre du Comité présidentiel de l’USS et Conseillère nationale LES VERT-E-S.

La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a montré à quel point l’accueil extrafamilial et parascolaire des enfants était important du point de vue systémique et à quelle vitesse ces structures peuvent se retrouver menacées dans leur existence. Même en mode de télétravail, il n’est pas possible de prendre en charge des enfants tout en effectuant les activités professionnelles usuelles. Il est donc nécessaire de disposer d’une offre d’accueil de l’enfance qui soit fiable.

L’objectif du Syndicat des services publics (SSP) et de l’Union syndicale suisse (USS) est de mettre dorénavant à disposition un accueil extrafamilial et parascolaire gratuit pour tous les enfants en tant que prestation de service public, dès la fin du congé maternité légal et jusqu’à la fin de l’école obligatoire. Cet investissement serait refinancé grâce à une activité professionnelle accrue des parents, notamment des femmes, et grâce à un augmentation des recettes fiscales résultant de cet accroissement des activités rémunérées.

Il n’est possible d’améliorer notablement la conciliation de la vie active et de la vie familiale, l’égalité entre femmes et hommes et l’égalité des chances, en particulier celle des enfants, que si nous disposons d’une offre d’accueil de l’enfance de qualité et prévoyant un nombre suffisant de places.

Les bénéfices de l’éducation et l’accueil des jeunes enfants (EAJE) sont considérables. Différentes études mettent en évidence que l’accueil, l’encouragement précoce et l’éducation intervenant dans les premières années de vie d’un enfant sont un investissement bénéfique pour l’avenir. D’une part, cet accueil, cet encouragement et cette éducation servent au bien de l’enfant et d’autre part, c’est à ce moment-là que le potentiel des ressources sociales, cognitives et émotionnelles des enfants est particulièrement important s’ils sont soutenus de manière adaptée. Si leur curiosité naturelle et leur volonté de découvrir et d’apprendre de nouvelles choses est stimulée de manière ludique et adaptée à leur niveau, et par du personnel disposant des qualifications requises pour ces tâches, les enfants vont acquérir un grand nombre connaissances sur et avec les autres enfants.

Ce sont notamment les enfants issus de familles socio-économiquement défavorisées qui profiteraient d’une telle solution. Une étude récente du Conseil suisse de la science (CSS) intitulée «Sélectivité sociale» fait la constatation selon laquelle le système éducatif suisse discrimine ce groupe d’enfants et laisse ainsi du «capital humain» en friche; le Conseil suisse de la science considère que l’éducation et l’accueil des jeunes enfants (EAJE) est précisément un champ d’action primordial pour cette question.

L’accueil extrafamilial et parascolaire permet aux parents, et notamment aux femmes, d’accroître leur activité professionnelle et constitue de ce fait aussi une réponse à la pénurie de personnel qualifié. Il contribue à l’amélioration de la prévoyance vieillesse, à une réduction de la dépendance par rapport à l’aide sociale et à la lutte contre la pauvreté.

L’incitation financière de la Confédération a, certes, permis de créer plus de 60'000 nouvelles places d’accueil pour enfants. Mais ce chiffre ne couvre de loin pas encore tous les besoins en la matière. Bon nombre de structures se trouvent financièrement à la limite; les salaires sont bas et ne suffisent souvent pas pour vivre; un trop grand nombre d’employé-e-s ne disposent pas d’une formation ou n’ont qu’un statut de stagiaires*; le personnel est surchargé et le taux d’encadrement est calculé de manière trop juste. Dans ces conditions, l’encouragement des enfants ne peut se faire comme prévu et les ressources pertinentes pour l’éducation ne peuvent pas être développées. De plus, les tarifs des structures d’accueil sont (beaucoup) trop élevés pour les parents, tandis que pour les prestataires des services d’accueil, ils ne couvrent pas les coûts. Sans un financement substantiel de la part des pouvoirs publics, il ne sera pas possible de gérer des lieux d’accueil de l’enfance (préscolaires et parascolaires) en assurant une bonne qualité des prestations ainsi que des conditions de travail équitables.

Le lancement de l’initiative pour les places de crèches est réjouissant, car le but qu’elle vise est très proche des objectifs évoqués. C’est pourquoi l’USS soutient cette initiative activement. Elle vise à instituer un droit à un place dans un lieu d’accueil pour chaque enfant, se prononce pour une prise en charge de qualité et demande explicitement que le personnel dispose d’une formation qualifiée et qu’il bénéficie de bons salaires et de bonnes conditions de travail.

En devant accepter de mauvaises conditions de travail, le personnel des structures d’accueil de l’enfance paie le prix de la réticence des pouvoirs publics à ouvrir le porte-monnaie en faveur de l’accueil extrafamilial et parascolaire des enfants. Des conventions collectives de travail existent seulement dans deux cantons (Vaud et Genève). Dans bon nombre de structures, ce ne sont que les dispositions minimales de la loi sur le travail qui s’appliquent. Dans le cadre d’une enquête réalisée par le syndicat SSP en Suisse alémanique, 80 pour cent des employé-e-s des lieux d’accueil de l’enfance ont répondu se sentir stressé-e-s au travail et 40 pour cent prévoient de changer de métier pour des raisons de santé.

La pression des mesures d’économies qui s’exerce actuellement dans beaucoup de lieux d’accueil de l’enfance a pour conséquence que ces structures réalisent des économies au niveau de leurs coûts salariaux: 43 pour cent du personnel des lieux d’accueil de l’enfance ne disposent pas d’une formation professionnelle. La plupart de ces structures engagent des stagiaires* en tant que main d’œuvre bon marché – en leur versant des salaires au-dessous de 1’000 francs par mois et en leur offrant peu d’espoir d’obtenir une place d’apprentissage. Quant aux salaires du personnel disposant d’une formation qualifiée, ils se situent nettement au-dessous de ceux versés pour des professions comparables et ne sont pas à la hauteur de la grande responsabilité du travail exercé. L’initiative revalorise les professions du domaine de l’accueil de l’enfance, en prévoyant des formations professionnelles, des rémunérations et des conditions de travail adaptées.

Pour un pays riche comme la Suisse et dont les ressources résident dans des personnes disposant d’une formation professionnelle de qualité, cet investissement dans l’accueil de l’enfance devrait être impératif, dans l’intérêt des enfants, de l’économie et de la paix sociale. Pour améliorer les conditions permettant de réaliser l’égalité entre femmes et hommes et l’égalité des chances, disons OUI à l’initiative pour les places de crèche !